Après cinq mois d’arrêt, je reprends le fil de mes chroniques. Pour commencer, quelques autoportraits, de moi comme dirait M. de la Palice.
Fin du mois de juin 2020. Je me suis mis à Photoshop. Je cherche des tutoriels. Je les regarde plusieurs fois, en faisant des pauses, en exécutant les commandes en parallèle sur mes propres fichiers. Comme cela m’a été enseigné lors d’un stage Formation formateurs, je dis à voix haute ce que je suis en train de faire. C’est un peu ce que font, pour d’autres raisons, les pilotes de ligne. Pour moi, la meilleure façon de mémoriser une procédure.
Pour tester le mode détourage de la dernière version du logiciel, qui vient juste d’être mise en ligne, j’ai choisi une photo d’archive prise lors d’une séance d’autoportraits. Je suis sous la véranda, mon visage est éclairé par des bandes de lumière vive alternant avec des bandes sombres. C’est ce contraste fort qui m’a plu. De cette série de mars 2020, j’avais retenu et publié Sans les lunettes, une image en noir et blanc, sur fond noir (ou presque).

Partir d’une image similaire et remplacer ce fond noir par un autre, plus expressif, plus dynamique, est le concept du tutoriel. Je retiens pour ce faire une image, en couleurs, prise au quart de seconde la semaine précédente. On devine la végétation, très agitée, comme soufflée par une explosion, avec une vision à peu près nette d’une clôture métallique sur le bord droit du cadre. Les mystères du mouvement intentionnel du boîtier! L’idée de ce collage est une métaphore, l’illustration de l’expression tempête sous un crâne. Ce n’est pas très sérieux, la vraisemblance n’est pas de mise, mais il s’agit avant tout un exercice. Concluant puisque le détourage automatique fonctionne bien. Il faut dire que les classiques difficultés rencontrées avec les cheveux du sujet ne se posent pas en l’occurrence.

La même semaine de juin 2020, pour le défi L’Empire des ombres, je vais commettre deux autoportraits dans la ligne de Sans les lunettes. Avec cette publication, j’ai pris goût à la lumière dure. Pour ma première tentative, je porte un masque gris. Nous sommes en plein déconfinement. Je n’ai pas trouvé jusqu’alors l’idée originale qui me permettra de réaliser mon interprétation de cette période troublée de la pandémie. Ce masque gris n’est en rien remarquable mais j’aime sa matière et il devrait bien rendre en noir et blanc. Une petite fenêtre carrée par laquelle passent les rayons du soleil sera ma source de lumière. Pour la conversion en noir et blanc, je pousserai le contraste plus loin que pour mes photos de mars; en dehors de la zone lumineuse, en forme de croissant, un noir profond, pas d’ombres mêmes très denses pour suggérer la forme de mon visage. Le résultat est à mes yeux très pandémique.

Le lendemain, l’envie d’un autoportrait est toujours là mais il me faut une autre source lumineuse, plus hachée, des taches de ci de là sur le visage peut-être. Me revient à l’esprit cette blague à laquelle j’avais droit dans mon enfance: « Tu as regardé le soleil à travers une passoire? » Quand on est blond, limite roux, on ne bronze pas; on prend des coups de soleil et on est couvert de taches de rousseur. Je tiens mon titre, reste à faire la photo.
Dans la cuisine, sous la lumière d’un vélux, tenant dans la main gauche une passoire à nouilles en métal, dans la main droite mon petit Sony, je dois avoir l’air ridicule. Peu importe dès lors que la photo est intéressante. Hélas, ce n’est pas le cas. Je tente à nouveau l’expérience avec une passoire Tupperware. Elle est de plus grande taille et des lignes fines remplacent les habituels petits trous circulaires. La lumière est originale, le résultat pourrait être loufoque et la loufoquerie, j’adore!

C’est au-delà de mes espérances. Pas loufoque, plutôt tragique ou très triste. On me croirait maquillé de blanc, comme un clown ou un acteur du théâtre japonais. Japonais, ça colle bien avec les lignes sur mon crâne qui font penser au drapeau nippon. « Cette image te vieillit » dira mon épouse. Pas faux. Et pourtant, j’adore cette photo. C’est mon meilleur autoportrait, avis tout personnel je l’admets. Vous pouvez détester, regretter la focale trop courte pour ce genre photographique. Nous sommes en août, mon avis n’a pas changé. J’aime encore. Je repense aux photos que je réalisais en 2015 —je venais de m’inscrire dans le groupe ALJPHOTO et je ne connaissais rien à la photo créative— je mesure le chemin parcouru. Jamais alors je n’aurais imaginé réaliser ce type de cliché.
Un truc me titille. Ce portrait me fait penser à une photo d’un grand photographe. Mais lequel? Ça m’énerve. Mon cerveau, en tâche de fond, n’arrête pas de fouiller. Vous devez avoir éprouvé la même sensation, non? C’est pénible tant qu’on cherche et génial quand on trouve. Je finirai par trouver, en épluchant mon historique internet. Le photographe s’appelle Daido Moriyama. L’image à laquelle je pensais est la couverture du Photopoche qui lui est consacré. Il est renommé pour ses noir et blanc très durs. Sa photo est meilleure que la mienne. Pas vraiment une surprise. Lui est un grand photographe, moi… Leçon d’humilité.
Depuis, j’ai réalisé d’autres portraits.Vous les verrez peut-être dans de futures chroniques. En attendant, portez-vous bien et prenez soin de vous. À bientôt si le cœur vous en dit!
6 réponses sur « Autoportraits »
De quoi ne pas laisser indifférent… Avec un faible pour « Ayez confiance ».
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Merci Marlabis.
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tu as beaucoup d’idées
La prochaine fois que je mangerai des pâtes (je n’osais pas écrire nouilles …) je penserai à toi
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Yoshimiparis, voilà un effet que je n’avais pas prévu! Et contagieux qui plus est: la prochaine fois que je mange des pâtes, promis, je pense à toi 😉
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Ces 4 portraits racontent une histoire différente, ayez confiance est anxiogène, et la passoire te rend clown triste… Si c’était là ton but, il est réussi!
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C’était bien mon intention, Émilie. Merci pour ton commentaire. En attendant le plaisir de te lire.
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