La plupart des personnes qui tiennent un blog de photographie publient beaucoup d’images. Ce n’est pas mon cas ; il m’arrive fréquemment de passer plusieurs semaines sans prendre la moindre photo et, quand je le fais, je publie au final peu de clichés. Si j’en crois les conseils de ceux qui font profession de vous expliquer comment bien utiliser les réseaux sociaux, comment vous faire connaître sur facebook ou instagram, comment avoir plein de likes et de followers, je fais le contraire de ce qu’il faut : au lieu de publier quotidiennement pour garder le contact avec un public fidèle, je me fais rare.
Je ne le fais pas exprès. C’est comme ça ; je fais peu de photographies et par conséquent je publie peu sur facebook (ALJPHOTO) et instagram. Quant à mon blog, je publie encore moins parce qu’il me faut écrire un texte, avec du contenu, un sujet et pas seulement accompagner des photos de quelques menus détails car je n’en vois pas l’intérêt.
Il n’en a pas toujours été ainsi. Il y a six ans de cela, en 2013, le jour de Noël, j’ai pris plus de 200 clichés, enfin pas tout seul parce que mon appareil est passé de main en main. Sur mon boîtier APS-C, un téléobjectif 70-200 mm tout neuf, acheté quelques semaines auparavant. La découverte des gros plans, de la faible profondeur de champ, la nécessité de monter en ISO parce que la lumière manque.
Ce jour-là, mes trois fils sont — fait exceptionnel — à la maison. La veille, je suis allé à Roissy chercher Nicolas, sa compagne Bunny et la maman de celle-ci. Le voyage depuis Shanghai n’a pas été simple. Quand l’avion arrive pour se poser à Charles-de-Gaulle, le vent souffle très fort. L’atterrissage est impossible. L’A380 va se poser à Zurich. Il atterrira finalement à Roissy cinq heures plus tard. En Suisse, pas de débarquement ; tout le monde est resté à bord. Les trois Chinois sont heureux d’être en France mais crevés.
Mon fils le plus jeune, Vincent, a travaillé la nuit du 24 au 25. Il est réceptionniste dans un hôtel parisien. Il n’a pas encore le permis de conduire, c’est son grand frère Matthieu qui est allé le chercher, lui, sa compagne et le petit Hugo, âgé de cinq mois, en milieu d’après-midi. De ce fait, les cadeaux sont restés sagement au pied du sapin la plus grande partie de la journée.
Des deux cents photos prises à cette occasion, une seule m’est restée en mémoire, sans doute parce c’est elle qui résume le mieux ce qui est le plus beau Noël de ma vie. Matthieu, le tonton, parrain aussi, tient Hugo sur ses genoux. Un double portrait, des regards songeurs portés dans des directions différentes — chacun sa vie, générations différentes —, l’habit de Père Noël, le bonnet, les bulles de bokeh discrètes qui suggèrent la fête. Cette photo, j’y ai pensé récemment, au beau milieu de la nuit. Je me suis dit qu’il faudrait écrire une photochronique à son sujet, sans trop en cerner la raison.
À l’heure où j’écris ces lignes, je me dis que, même avec toutes ces explications, vous ne pouvez ressentir ce que je ressens en voyant cette image. N’y voyez aucun reproche de ma part. C’est parfaitement normal, surtout lorsqu’il s’agit de proches. Et je me dis que c’est la même chose pour plein d’autres images, moins personnelles, chargées d’une intention pas toujours partagée. Je me dis qu’une photo, la plus réussie soit-elle, n’est que partiellement ressentie par ceux et celles qui la regardent, qu’il ne peut en être autrement, et qu’il faut se réjouir quand le message passe, même partiellement.
C’est pour cette raison, entre autres, que je continue à photographier. D’une façon plus posée, plus réfléchie. Je me suis amélioré depuis 2013, pas beaucoup de mérite, je partais de bien bas. Parfois je pense avoir réussi une bonne photo, un sentiment pas forcément partagé. Alors je me dis qu’une image ou un article que l’on publie est comme une bouteille que l’on jette à la mer. Tout peut arriver, y compris le meilleur.
« Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer »
Guillaume d’ORANGE-NASSAU.

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